Après deux mois de confinement, les séquelles psychologiques risquent d’être lourdes pour certains. Parfois, elles peuvent prendre la forme d’un syndrome de stress post-traumatique. Les explications de Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris.
Johanna Rozenblum : Si le confinement reste une barrière sûre contre la propagation du virus, l’isolement a montré qu’il était responsable de conséquences psychologiques comme du stress, de la colère, voire un sentiment de détresse. D’autres symptômes peuvent venir s’ajouter au tableau. Je vois beaucoup de fatigue émotionnelle ainsi que des troubles du sommeil (insomnie ou à l’inverse hypersomnie*). Des troubles de l’humeur sont également fréquemment observés. Des symptômes de dépression peuvent aussi survenir, souvent du fait de l’ennui, de la frustration, de la tristesse et de l’isolement social ressenti par les personnes.
J.R : Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est une réaction psychologique consécutive à une situation où l’intégrité physique et/ou psychologique du sujet (ou d’un témoin) a été menacée ou atteinte. On parle de sentiment de peur de mort imminente ou d’impuissance. Les symptômes peuvent apparaitre rapidement ou à distance de l’événement, une fois la sidération passée. C’est pourquoi il faut rester attentif à une apparente minimisation du vécu.
J.R : Ce trouble peut se manifester par des crises d’angoisse ou attaques de panique, par les fameuses reviviscences sous forme de flash-back, de cauchemars ou d’hallucinations sensorielles (odeur, son…). L’événement traumatique se rejoue intérieurement avec les mêmes peurs, les mêmes sensations physiques et s’imposent à la personne qui ne contrôle plus rien et se sent comme submergée. Les comportements d’évitement des situations qui pourraient rappeler le trauma poussent la personne à l’isolement et au repli sur soi. Il y a une difficulté à intégrer que le danger est passé, l’état d’alerte est permanent, c’est ce que l’on appelle l’hypervigilance. Dans ces conditions, le retour à un quotidien normal semble difficile et toutes les sphères de la vie (personnelle, professionnelle, sociale) seraient impactées.
J.R : Il est trop tôt encore pour savoir si nous diagnostiquerons beaucoup de TSPT en population générale. L’« avantage » du confinement, c’est que les gens se sentent à juste titre à l’abri du virus chez eux. La menace est plutôt à l’extérieur. Au moment du déconfinement, être dehors pourra être vécu comme une mise en danger. Mais de là à développer un TSPT, je ne pense pas. Il faudra de toute façon être attentif aux personnes exposées à la mort, à la souffrance et au sentiment d’impuissance. C’est le cas des soignants, du personnel des pompes funèbres, des patients gravement touchés par le Covid-19 hospitalisés en service de réanimation, les personnes qui ont perdu un être cher sans pouvoir entamer un processus de deuil « classique » du fait des règles de confinement. Les personnes ayant déjà connu un événement à caractère traumatique pourraient également voir la réactivation de certains symptômes. Là encore il faudra être attentif.
J.R : Le TSPT peut survenir chez des individus sans antécédents. D’après les études, entre 5 et 10% des personnes exposées à un événement à caractère traumatique seraient susceptibles de développer un trouble de stress post-traumatique. Face à un patient qui souffre, il faudra réussir à différencier le TSPT du trouble anxieux généralisé.
J.R : Il faudra faire de la pédagogie, être à l’écoute des peurs, rationnaliser si besoin pour éviter que l’anxiété ne prenne le pas. Avoir peur reste une émotion normale en ces temps, c’est un sentiment ancestral qui nous permet d’être vigilant et attentif face à un danger potentiel.
* Trouble caractérisé par un besoin de sommeil excessif
Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet
Source : Interview de Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris, le 14 avril 2020